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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇOISE

constituante, au contraire, fut dominée par la passion des idées abstraites. Cette mode, tout-à-fait opposée à l’esprit de la nation, ne dura pas longtemps. Les factieux se servirent d’abord des argumens métaphysiques pour motiver les actions les plus coupables, et puis ils renversèrent bientôt après cet échafaudage, pour proclamer nettement l’empire des circonstances et le mépris des doctrines.

Le côté droit de l’assemblée avoit eu souvent raison, pendant le cours de la session, et plus souvent encore on s’étoit intéressé à lui, parce que le parti le plus fort l’opprimoit et lui refusoit la parole. Il n’est pas de pays où il soit plus nécessaire qu’en France, de faire des règlemens dans les assemblées délibérantes en faveur de la minorité ; car on y a tant de goût pour la puissance, qu’on est tenté de vous imputer à crime d’être du parti le moins nombreux[1]. Après l’arrestation du roi, les aristocrates, sachant que la monarchie avoit acquis des défenseurs dans le parti populaire, crurent

  1. Un ouvrage excellent, intitulé : Tactique des assemblées délibérantes, rédigé par M. Dumont, de Genève, et contenant en partie les idées de M. Bentham, jurisconsulte anglais, penseur très-profond, devroit être sans cesse con-