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CONSIDÉRATIONS

ple chantait, et les colporteurs de journaux faisoient retentir les airs en proclamant à haute voix la grande acceptation du roi, la constitution monarchique, etc., etc.

Il sembloit que la révolution fût achevée, et la liberté fondée. Toutefois l’on se regardoit les uns les autres comme pour obtenir de son voisin la sécurité dont on manquoit soi-même.

L’absence des nobles surtout ébranloit cette sécurité, car il ne peut exister de monarchie sans que la classe aristocratique en fasse partie ; et, malheureusement les préjugés des gentilshommes françois étoient tels, qu’ils repoussoient toute espèce de gouvernement libre ; c’est à cette grande difficulté qu’il faut attribuer les défauts les plus graves de la constitution de 1791. Car les seigneurs propriétaires n’offrant aucun soutien à la liberté, la force démocratique a pris nécessairement le dessus. Les barons anglais, dès le temps de la grande charte, ont stipulé les droits des communes, conjointement avec les leurs. En France, les nobles ont combattu ces droits, quand le tiers état les a réclamés ; mais, n’étant pas assez forts pour lutter contre la nation, ils ont quitté leur pays en masse, et sont allés se joindre aux