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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇOISE

Louis XIV accrut la France par les conquêtes de ses généraux ; et, comme un certain degré d’étendue est nécessaire à l’indépendance d’un état, à cet égard il mérita la reconnoissance de la nation. Mais il laissa l’intérieur du pays dans un état de désorganisation dont le régent et Louis XV n’ont cessé de souffrir pendant leur règne. À la mort de Henri IV, les finances et toutes les branches de l’administration étoient dans l’ordre le plus parfait, et la France se maintint encore pendant plusieurs années par la force qu’elle lui devoit. À la mort de Louis XIV les finances étoient épuisées à un degré tel, que jusqu’à l’avènement de Louis XVI on n’a pu les rétablir. Le peuple insulta le convoi funèbre de Louis XIV, et le parlement cassa son testament. L’excessive superstition sous laquelle il s’étoit courbé, pendant les dernières années de son règne, avoit tellement fatigué les esprits, que la licence même de la régence fut excusée, parce qu’elle les soulageoit du poids de la cour intolérante de Louis XIV. Comparez cette mort avec celle de Henri IV. Il étoit si simple bien que roi, si doux bien que guerrier, si spirituel, si gai, si sage ; il savoit si bien que se rapprocher des hommes c’est s’agrandir à leurs yeux, quand on est véritablement grand, que