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CONSIDÉRATIONS

recte de l’autorité suprême. Quels instrumens de choix pour la tyrannie ! » Ne diroit-on pas que M. Necker, écrivant ces paroles en 1802, prévoyoit ce que l’empereur a fait depuis de son conseil d’état ? Nous avons vu les fonctions de l’ordre judiciaire passer par degrés dans les mains de ce pouvoir administratif, sans responsabilité comme sans bornes ; nous l’avons vu même usurper les attributions législatives ; et ce divan n’avoit à redouter que son maître.

M. Necker, après avoir prouvé qu’il n’y avoit point de république en France sous le gouvernement consulaire, en conclut aisément que l’intention de Bonaparte étoit d’arriver à la royauté ; et c’est alors qu’il développe, avec une force extrême, la difficulté d’établir une monarchie tempérée, sans avoir recours aux grands seigneurs déjà existans, et qui, d’ordinaire, sont inséparables d’un prince d’une ancienne race. La gloire militaire peut certainement tenir lieu d’ancêtres ; elle agit plus vivement même sur l’imagination que les souvenirs : mais, comme il faut qu’un roi s’entoure des rangs supérieurs, il est impossible de trouver assez de citoyens illustres par leurs exploits, pour qu’une aristocratie toute nouvelle puisse servir de barrière à