Page:De Staël – La Révolution française, Tome II.djvu/318

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
311
SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

croyoit le devoir intéressé dans une résolution, il lui sembloit entendre la voix de Dieu ; et, quoi qu’on pût tenter alors pour l’ébranler, il n’écoutoit jamais qu’elle. J’ai plus de confiance encore aujourd’hui dans la moindre de ses paroles, que je n’en aurois dans aucun individu existant, quelque supérieur qu’il pût être ; tout ce que m’a dit M. Necker est ferme en moi comme le rocher ; tout ce que j’ai gagné par moi-même peut disparoître ; l’identité de mon être est dans l’attachement que je garde à sa mémoire. J’ai aimé qui je n’aime plus ; j’ai estimé qui je n’estime plus ; le flot de la vie a tout emporté, excepté cette grande ombre qui est là sur le sommet de la montagne, et qui me montre du doigt la vie à venir.

Je ne dois de reconnoissance véritable sur cette terre qu’à Dieu et à mon père ; tout le reste de mes jours s’est passé dans la lutte ; lui seul y a répandu sa bénédiction. Mais combien n’a-t-il pas souffert ! La prospérité la plus brillante avoit signalé la moitié de sa vie : il étoit devenu riche ; il avoit été nommé premier ministre de France ; l’attachement sans bornes des François l’avoit récompensé de son dévouement pour eux : pendant les sept années de sa première retraite, ses ouvrages avoient été placés au pre-