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CORINNE OU L’ITALIE

— Cet Écossais, lui dit-il, va nous enlever votre affection, et qui sait même s’il ne vous emmenera pas loin de nous ! — Corinne garda quelques instans le silence, puis répondit : je vous atteste qu’il ne m’a point dit qu’il m’aimait. — Vous le croyez, néanmoins, répondit le prince Castel-Forte ; il vous parle par sa vie, et son silence même est un habile moyen de vous intéresser. Que peut-on vous dire en effet que vous n’ayez pas entendu ! quelle est la louange qu’on ne vous ait pas offerte ! quel est l’hommage auquel vous ne soyez pas accoutumée ! Mais il y a quelque chose de contenu, de voilé dans le caractère de lord Nelvil, qui ne vous permettra jamais de le juger entièrement comme vous nous jugez. Vous êtes la personne du monde la plus facile à connaître ; mais c’est précisément parce que vous vous montrez volontiers telle que vous êtes, que la réserve et le mystère vous plaisent et vous dominent. L’inconnu, quel qu’il soit, a plus d’ascendant sur vous que tous les sentimens qu’on vous témoigne. — Corinne sourit. — Vous croyez donc, cher prince, lui dit-elle, que mon cœur est ingrat et mon imagination capricieuse ? Il me semble cependant que lord Nelvil possède et laisse voir des qualités assez remarquables pour que je ne