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CORINNE OU L’ITALIE

lord Nelvil conseillait les matelots, rassurait les passagers, et quand il servait lui-même à la manœuvre, quand il prenait pour un moment la place du pilote, il y avait, dans tout ce qu’il faisait, une adresse et une force qui ne devaient pas être considérées comme le simple effet de la souplesse et de l’agilité du corps, car l’ame se mêle à tout.

Quand il fallut se séparer, tout l’équipage se pressait autour d’Oswald pour prendre congé de lui ; ils le remerciaient tous de mille petits services qu’il leur avait rendus dans la traversée, et dont il ne se souvenait plus. Une fois c’était un enfant dont il s’était occupé long-temps ; plus souvent un vieillard dont il avait soutenu les pas, quand le vent agitait le vaisseau. Une telle absence de personnalité ne s’était peut-être jamais rencontrée ; sa journée se passait sans qu’il en prît aucun moment pour lui-même ; il l’abandonnait aux autres par mélancolie et par bienveillance. En le quittant, les matelots lui dirent tous presqu’en même temps : Mon cher seigneur, puissiez-vous être plus heureux ! Oswald n’avait pas exprimé cependant une seule fois sa peine, et les hommes d’une autre classe qui avaient fait le trajet avec lui ne lui en avaient pas dit un mot. Mais les gens du peuple, à qui leurs