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CORINNE OU L’ITALIE

j’ai vu tout l’abrégé de l’histoire romaine en ballet, depuis Romulus jusqu’à César. —

Tout ce que vous dites est vrai, répondit le prince Castel-Forte avec douceur, mais vous n’avez parlé que de la musique et de la danse, et ce n’est pas là ce que dans aucun pays l’on considère comme le théâtre dramatique. — C’est bien pis, interrompit le comte d’Erfeuil, quand on représente des tragédies ou des drames qui ne sont pas nommés drame d’une fin joyeuse, on réunit plus d’horreurs en cinq actes que l’imagination ne pourrait se le figurer. Dans une des pièces de ce genre, l’amant tue le frère de sa maîtresse dès le second acte ; au troisième il brûle la cervelle à sa maîtresse elle-même sur le théâtre ; le quatrième est rempli par l’enterrement ; dans l’intervalle du quatrième au cinquième acte, l’acteur qui joue l’amant vient annoncer, le plus tranquillement du monde, au parterre les arlequinades que l’on donne le jour suivant, et reparaît en scène au cinquième acte pour se tuer d’un coup de pistolet. Les acteurs tragiques sont en parfaite harmonie avec le froid et le gigantesque des pièces. Ils commettent toutes ces terribles actions avec le plus grand calme. Quand un acteur s’agite, on dit