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CORINNE OU L’ITALIE

charme sur chaque minute, que, bien qu’il ait besoin d’un avenir indéfini, il s’enivre du présent, et reçoit un jour comme un siècle de bonheur ou de peine, tant ce jour est rempli par une multitude d’émotions et d’idées ! Ah ! sans doute, c’est par l’amour que l’éternité peut être comprise ; il confond toutes les notions du temps ; il efface les idées de commencement et de fin ; on croit avoir toujours aimé l’objet qu’on aime, tant il est difficile de concevoir qu’on ait pu vivre sans lui. Plus la séparation est affreuse, moins elle paraît vraisemblable ; elle devient, comme la mort, une crainte dont on parle plus qu’on n’y croit, un avenir qui semble impossible, alors même qu’on le sait inévitable.

Corinne, parmi ses innocentes ruses pour varier les amusemens d’Oswald, avait encore réservé les statues et les tableaux. Un jour donc, lorsque lord Nelvil fut rétabli, elle lui proposa d’aller voir ensemble ce que la sculpture et la peinture offraient à Rome de plus beau. — Il est honteux, lui dit-elle en souriant, que vous ne connaissiez ni nos statues, ni nos tableaux, et demain il faut commencer le tour des musées et des galeries. — Vous le voulez, répondit lord Nelvil, j’y consens. Mais en vérité, Corinne, vous n’avez pas besoin de ces ressources étran-