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CORINNE OU L’ITALIE

fussent composés d’un très-grand nombre de figures. Ce genre présente sans doute de grandes difficultés, mais il donne moins de plaisir. Les beautés qu’on y trouve sont trop confuses ou trop détaillées. L’unité d’intérêt, ce principe de vie dans les arts, comme dans tout, y est nécessairement morcelée. Le premier des tableaux historiques représentait Brutus dans une méditation profonde, assis au pied de la statue de Rome. Dans le fond, des esclaves portent ses deux fils sans vie, qu’il a lui-même condamnés à mort, et de l’autre côté du tableau la mère et les sœurs s’abandonnent au désespoir ; les femmes sont heureusement dispensées du courage qui fait sacrifier les affections du cœur. La statue de Rome, placée près de Brutus est une belle idée : c’est elle qui dit tout. Cependant comment pourrait-on savoir, sans une explication, que c’est Brutus l’ancien qui vient d’envoyer ses fils au supplice ? et néanmoins il est impossible de caractériser cet événement plus qu’il ne l’est dans ce tableau. L’on aperçoit dans l’éloignement Rome simple encore, sans édifices, sans ornemens, mais bien grande comme patrie, puisqu’elle inspire un tel sacrifice. — Sans doute, dit Corinne à lord Nelvil, quand je vous ai nommé Brutus, toute votre