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CORINNE OU L’ITALIE

respect d’une mère pour les malheurs et les vertus divines de son fils ! Quel regard que celui du Christ ! quelle divine résignation, et cependant quelle souffrance et quelle sympathie par cette souffrance avec le cœur de l’homme ! Voilà sans doute le plus beau de mes tableaux. C’est celui vers lequel je reporte sans cesse mes regards, sans pouvoir jamais épuiser l’émotion qu’il me cause. Viennent ensuite, continua Corinne, les tableaux dramatiques tirés de quatre grands poëtes. Jugez avec moi, mylord, de l’effet qu’ils produisent. Le premier représente Enée dans les Champs-Elysées, lorsqu’il veut s’approcher de Didon. L’ombre indignée s’éloigne et s’applaudit de ne plus porter dans son sein le cœur qui battrait encore d’amour à l’aspect du coupable. La couleur vaporeuse des ombres, et la pâle nature qui les environne, font contraste avec l’air de vie d’Enée et de la Sibylle qui le conduit. Mais c’est un jeu de l’artiste que ce genre d’effet, et la description du poëte est nécessairement bien supérieure à ce que l’on peut en peindre. J’en dirai autant du tableau que voici, Clorinde mourante et Tancrède. Le plus grand attendrissement qu’il puisse causer, c’est de rappeler les beaux vers du Tasse, lorsque Clorinde pardonne à son ennemi qui l’adore et vient de lui percer le