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CORINNE OU L’ITALIE

niers dont les chevaux sont vainqueurs. Celui qui avait gagné le premier prix se jeta à genoux devant son cheval et le remercia, et le recommanda à Saint Antoine, patron des animaux, avec un enthousiasme aussi sérieux en lui, que comique pour les spectateurs[1].

C’est à la fin du jour, ordinairement, que les courses finissent. Alors commence un autre genre d’amusement beaucoup moins pittoresque, mais aussi très-bruyant. Les fenêtres sont illuminées. Les gardes abandonnent leur poste, pour se mêler eux-mêmes à la joie générale. Chacun prend alors un petit flambeau appelé moccolo, et l’on cherche mutuellement à se l’éteindre, en répétant le mot ammazzare (tuer), avec une vivacité redoutable. (CHE LA BELLA PRINCIPESSA SIA AMMAZZATA, CHE IL SIGNORE ABBATE SIA AMMAZZATO). Que la belle princesse soit tuée ! que le seigneur abbé soit tué ! crie-t-on d’un bout de la rue à l’autre[2]. La foule rassurée, parce qu’à cette heure on interdit les chevaux et les voitures, se précipite de tous les côtés. Enfin, il n’y a plus d’autre plaisir que le tumulte et l’étourdissement. Cependant la nuit s’avance : le bruit cesse par degrés ; le plus profond silence lui succède ; et il ne reste plus de cette soirée, que l’idée d’un songe confus,

  1. Un postillon italien, qui voyait mourir son cheval, priait pour lui : O sant’ Antonio, abbiate pietà dell’ anima sua ! Ô saint Antoine, ayez pitié de son ame !
  2. Il faut lire, sur ce carnaval de Rome, une charmante description de Goethe, qui en est un tableau aussi fidèle qu’animé.