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CORINNE OU L’ITALIE

sorbé dans les pensées et les sentimens que fait naître l’examen rigoureux de sa conduite et de son cœur.

— Vous êtes sévère, mon cher Oswald, reprit Comme, ce n’est pas la première fois que je l’ai remarqué. Si la religion consistait seulement dans la stricte observation de la morale, qu’aurait-elle de plus que la philosophie et la raison ? Et quels sentimens de piété se développeraient-ils en nous, si notre principal but était d’étouffer les sentimens du cœur ? Les Stoïciens en savaient presque autant que nous sur les devoirs et l’austérité de la conduite ; mais ce qui n’est dû qu’au christianisme, c’est l’enthousiasme religieux qui s’unit à toutes les affections de l’ame ; c’est la puissance d’aimer et de plaindre ; c’est le culte de sentiment et d’indulgence qui favorise si bien l’essor de l’ame vers le ciel ! Que signifie la parabole de l’enfant prodigue ? si ce n’est l’amour, l’amour sincère préféré même à l’accomplissement le plus exact de tous les devoirs. Il avait quitté, cet enfant, la maison paternelle, et son frère y était resté ; il s’était plongé dans tous les plaisirs du monde, et son frère ne s’était pas écarté un instant de la régularité de la vie domestique ; mais il revint, mais il pleura, mais il aima, et son père fit une fête pour son