Page:De Staël - Corinne ou l'Italie, Tome I, 1807.djvu/406

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
402
CORINNE OU L’ITALIE

nité d’ame que les orages des passions et les fautes qu’elles font commettre auraient nécessairement flétrie. Sans doute le repentir est une belle chose, et j’ai besoin, plus que personne, de croire à son efficacité ; mais le repentir qui se répète fatigue l’ame, ce sentiment ne régénère qu’une fois. C’est la rédemption qui s’accomplit au fond de notre ame ; et ce grand sacrifice ne peut se renouveler. Quand la faiblesse humaine s’y accoutume, elle perd la force d’aimer : car il faut de la force pour aimer, du moins avec constance.

Je ferai des objections du même genre à ce culte plein de splendeur qui, selon vous, agit si vivement sur l’imagination : je crois l’imagination modeste et retirée comme le cœur. Les émotions qu’on lui commande sont moins puissantes que celles qui naissent d’elle-même. J’ai vu dans les Cévennes un ministre protestant qui prêchait, vers le soir, dans le fond des montagnes. Il invoquait les tombeaux des Français bannis et proscrits par leurs frères, et dont les cendres avaient été rapportées dans ces lieux. Il promettait à leurs amis qu’ils les retrouveraient dans un meilleur monde. Il disait qu’une vie vertueuse nous assurait ce bonheur, il disait : faites du bien aux hommes, pour que Dieu cicatrise dans votre