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CORINNE OU L’ITALIE

pensent comme vous, nous avons alors bien plus d’ascendant sur elles ; mais il ne faut pas que votre supériorité soit perdue, il faut qu’elle vous serve à quelque chose. — Me servir, dit Corinne, ah ! je lui dois beaucoup, si elle me fait mieux sentir tout ce qu’il y a de touchant et de généreux dans le caractère de lord Nelvil. — Lord Nelvil est un homme tout comme un autre, reprit le comte d’Erfeuil ; il retournera dans son pays, il suivra sa carrière, il sera raisonnable enfin, et vous exposez imprudemment votre réputation en allant à Naples avec lui. — J’ignore les intentions de lord Nelvil, dit Corinne, et peut-être aurais-je mieux fait d’y réfléchir avant de l’aimer ; mais à présent qu’importe un sacrifice de plus ! ma vie ne dépent-elle pas toujours de son sentiment pour moi ? je trouve au contraire quelque douceur à ne me laisser aucune ressource ; il n’en est jamais quand le cœur est blessé : néanmoins le monde peut quelquefois croire qu’il vous en reste, et j’aime à penser que même sous ce rapport mon malheur serait complet si lord Nelvil se séparait de moi. — Et sait-il a quel point vous vous compromettez pour lui ? continua le comte d’Erfeuil. — J’ai pris grand soin de le lui dissimuler, répondit Corinne, et comme il ne connaît pas bien les usages