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CORINNE OU L’ITALIE

avait réussi auprès de lui, ou s’il la blâmait secrètement, et si ses idées anglaises lui permettaient d’applaudir à de tels succès dans une femme.

Oswald était trop captivé par les charmes de Corinne pour se rappeler alors ses anciennes opinions sur l’obscurité qui convenait aux femmes ; mais il se demandait si l’on pouvait être aimé d’elle ; s’il était possible de concentrer en soi seul tant de rayons ; enfin, il était à la fois ébloui et troublé : et bien qu’à son départ elle l’eût invité très-poliment à revenir la voir, il laissa passer tout un jour sans aller chez elle, éprouvant une sorte de terreur du sentiment qui l’entraînait.

Quelquefois il comparait ce sentiment nouveau avec l’erreur fatale des premiers momens de sa jeunesse, et repoussait vivement ensuite cette comparaison ; car c’était l’art, et un art perfide, qui l’avait subjugué, tandis qu’on ne pouvait douter de la vérité de Corinne. Son charme tenait-il de la magie ou de l’inspiration poétique ? était-ce Armide ou Sapho ? pouvait-on espérer de captiver jamais un génie doué de si brillantes ailes ? Il était impossible de le décider ; mais au moins on sentait que ce n’était pas la