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CORINNE OU L’ITALIE.

des êtres capables de l’acquitter ? Chaque femme comme chaque homme ne doit-elle pas se frayer une route d’après son caractère et ses talens ? Et faut-il imiter l’instinct des castors, dont les générations se succèdent sans progrès et sans diversité ?

Non, Oswald, pardonnez à l’orgueil de Corinne ; mais je me croyais faite pour une autre destinée ; je me sens aussi soumise à ce que j’aime, que ces femmes dont j’étais entourée, et qui ne permettaient, ni un jugement à leur esprit, ni un désir à leur cœur : s’il vous plaisait de passer vos jours au fond de l’Écosse, je serais heureuse d’y vivre et d’y mourir auprès de vous : mais loin d’abdiquer mon imagination, elle me servirait à mieux jouir de la nature, et plus l’empire de mon esprit serait étendu, plus je trouverais de gloire et de bonheur à vous en déclarer le maître.

Ma belle-mère était presque aussi importunée de mes idées que de mes actions ; il ne lui suffisait pas que je menasse la même vie qu’elle, il fallait encore que ce fût par les mêmes motifs ; car elle voulait que les facultés qu’elle n’avait pas fussent considérées seulement comme une maladie. Nous vivions assez près du bord de la mer, et le vent du nord se faisait sentir souvent