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CORINNE OU L’ITALIE.

essais en poésie. Je m’exaltais sur les nouveaux succès que je pourrais obtenir ; enfin j’espérais beaucoup de moi, n’est-ce pas la première et la plus noble illusion de la jeunesse ?

Il me semblait que j’entrerais en possession de l’univers le jour où je ne sentirais plus le souffle desséchant de la médiocrité malveillante ; mais quand il fallait prendre la résolution de partir, de m’échapper secrètement, je me sentais arrêtée par l’opinion, qui m’en imposait beaucoup plus en Angleterre qu’en Italie ; car, bien que je n’aimasse pas la petite ville que j’habitais, je respectais l’ensemble du pays dont elle faisait partie. Si ma belle-mère avait daigné me conduire à Londres ou à Edimbourg, si elle avait songé à me marier avec un homme qui eût assez d’esprit pour faire cas du mien, je n’aurais jamais renoncé ni à mon nom, ni à mon existence, même pour retourner dans mon ancienne patrie. Enfin quelque dure que fut pour moi la domination de ma belle-mère, je n’aurais peut-être jamais eu la force de changer de situation, sans une multitude de circonstances qui se réunirent comme pour décider mon esprit incertain. J’avais près de moi la femme de chambre italienne que vous connaissez, Thérésine ; elle est Toscane, et, bien que son esprit n’ait