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CORINNE OU L’ITALIE.

heure. Corinne, à l’approche d’Oswald, se leva, et lui dit, en lui montrant ce nuage : — Avais-je raison de croire aux présages ? Mais n’est-il pas vrai qu’il y a quelque compassion dans le ciel ? il m’avertissait de l’avenir, et aujourd’hui, vous le voyez, il porte mon deuil. N’oubliez pas, Oswald, de remarquer si ce même nuage ne passera pas sur la lune quand je mourrai. — Corinne ! Corinne ! s’écria lord Nelvil, ai-je mérité que vous me fassiez expirer de douleur ? Vous le pouvez facilement, je vous l’assure ; parlez encore une fois ainsi, et vous me verrez tomber sans vie à vos pieds. Mais quel est donc mon crime ? Vous êtes une personne indépendante de l’opinion par votre manière de penser ; vous vivez dans un pays où cette opinion n’est jamais sévère, et quand elle léserait, votre génie vous fait régner sur elle. Je veux, quoi qu’il arrive, passer mes jours près de vous ; je le veux : d’où vient donc votre douleur ? Si je ne pouvais être votre époux, sans offenser un souvenir qui règne à l’égal de vous sur mon ame, ne m’aimeriez-vous donc pas assez pour trouver du bonheur dans ma tendresse, dans le dévouement de tous mes instans ? — Oswald, dit Corinne, si je croyais que nous ne nous quitterons jamais, je ne souhaiterais rien de plus ; mais....