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CORINNE OU L’ITALIE.

ble, au secours de lord Nelvil, les médecins qui lui avaient donné la preuve de dévouement très-rare de ne point la quitter.

Oswald tenait sans cesse dans ses mains les mains brûlantes de Corinne ; il finissait toujours la coupe dont elle avait bu la moitié ; enfin, c’était avec une telle avidité, qu’il cherchait à partager le péril de son amie, qu’elle-même avait renoncé à combattre ce dévouement passionné, et laissant tomber sa tête sur le bras de lord Nelvil, elle se résignait à sa volonté. Deux êtres qui s’aiment assez pour sentir qu’ils n’existeraient pas l’un sans l’autre, ne peuvent-ils pas arriver à cette noble et touchante intimité qui met tout en commun, même la mort ?[1] Heureusement lord Nelvil ne prit point la maladie qu’il avait si bien soignée. Corinne s’en guérit ; mais un autre mal pénétra plus avant que jamais dans son cœur. La générosité, l’amour que son ami lui avait témoignés, redoublèrent encore l’attachement qu’elle ressentait pour lui.

  1. M. Dubreuil, très-habile médecin français, avait un ami intime, M. de Péméja, homme aussi distingué que lui. M. Dubreuil tomba malade d’une maladie mortelle et contagieuse, et l’intérêt qu’il inspirait remplissant sa chambre de visites, M. Dubreuil appela M. de Péméja, et lui dit : – Il faut renvoyer tout ce monde, vous savez bien, mon ami, que ma maladie est contagieuse, il ne doit y avoir que vous ici. – Quel mot ! Heureux celui qui l’entend ! M. de Péméja mourut quinze jours après son ami.