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CORINNE OU L’ITALIE.

Il restait, encore aussi des mœurs populaires et des usages antiques. Or, ces usages supposent toujours du respect pour les ancêtres, et une certaine jeunesse de cœur qui ne se lasse point du passé ni de l’attendrissement qu’il cause ; l’aspect de la ville est d’ailleurs à lui seul singulièrement propre à réveiller une foule de souvenirs et d’idées ; la place de Saint-Marc, tout environnée de tentes bleues, sous lesquelles se repose une foule de Turcs, de Grecs et d’Arméniens, est terminée à l’extrémité par l’église, dont l’extérieur ressemble plutôt à une mosquée qu’à un temple chrétien : ce lieu donne l’idée de la vie indolente des Orientaux, qui passent leurs jours dans les cafés à boire du sorbet et à fumer des parfums ; on voit quelquefois à Venise des Turcs et des Arméniens passer nonchalamment couchés dans des barques découvertes, et des pots de fleurs à leurs pieds.

Les hommes et les femmes de la première classe ne sortaient jamais que revêtus d’un domino noir ; souvent aussi des gondoles toujours noires, car le système de l’égalité se porte à Venise principalement sur les objets extérieurs, sont conduites par des bateliers vêtus de blanc avec des ceintures roses, ce contraste a quelque chose de frappant : on dirait que l’habit