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CORINNE OU L’ITALIE.

Oswald alors observa que lady Edgermond marchait avec une grande difficulté. — J’ai, dit-elle à lord Nelvil, une maladie très-douloureuse, et peut-être mortelle. — Lucile pâlit à ces mots. Lady Edgermond le remarqua et reprit avec douceur : — Les soins de ma fille, néanmoins, m’ont déjà sauvé la vie une fois, et me la sauveront peut-être encore long-temps. — Lucile baissa la tête pour que son attendrissement ne fut pas observé. Quand elle la releva, ses yeux étaient encore humides de pleurs ; mais elle n’avait pas osé seulement prendre la main de sa mère ; tout s’était passé dans le fond de son cœur, et elle n’avait songé aux autres que pour leur cacher ce qu’elle éprouvait. Cependant Oswald était profondément ému par cette réserve, par cette contrainte ; et son imagination, naguères ébranlée par l’éloquence et la passion, se plaisait à contempler le tableau de l’innocence, et croyait voir autour de Lucile je ne sais quel nuage modeste qui reposait délicieusement les regards.

Pendant le dîner, Lucile voulant épargner les moindres fatigues à sa mère, servait tout avec un soin continuel, et lord Nelvil entendit le son de sa voix seulement quand elle lui offrait les différens mets ; mais ces paroles insigni-