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CORINNE OU L’ITALIE.

tièrement. L’image d’une vie monotone, même au sein du bonheur, fait éprouver de l’effroi à un esprit qui a besoin de variété. C’est quand on a peu de vent dans les voiles qu’on peut côtoyer toujours la rive ; mais l’imagination divague, bien que la sensibilité soit fidèle ; il en est ainsi du moins jusqu’au moment où le malheur fait disparaître toutes ces inconséquences, et ne laisse plus qu’une seule pensée et ne fait plus sentir qu’une douleur.

Oswald attribua la rêverie de Corinne uniquement au trouble que lui causait encore l’embarras dans lequel elle avait dû se trouver en s’entendant nommer lady Nelvil ; et se reprochant vivement de ne l’en avoir pas tirée, il craignit qu’elle ne le soupçonnât de légèreté. Il commença donc, pour arriver enfin à l’explication tant desirée, par lui offrir de lui confier sa propre histoire. — Je parlerai le premier, dit-il, et votre confiance suivra la mienne. — Oui, sans doute, il le faut, répondit Corinne en tremblant. Eh bien, vous le voulez ? quel jour, à quelle heure ? Quand vous aurez parlé.... je dirai tout. — Dans quelle douloureuse agitation vous êtes ! reprit Oswald. Quoi donc ! éprouverez-vous toujours cette crainte de votre ami, cette défiance de son cœur ? — Non, il le faut, con-