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CORINNE OU L’ITALIE.

après avoir passé, et remarqua dans un autre endroit, d’où l’on pouvait apercevoir tout le grand chemin, une légère agitation dans les feuilles d’un des arbres placés près du pavillon. Il s’arrêta vis-à-vis de cet arbre, mais il n’y aperçut plus le moindre mouvement. Incertain s’il avait bien deviné, il partit ; puis tout à coup il revint sur ses pas avec la rapidité de l’éclair, comme s’il avait laissé tomber quelque chose sur la route. Alors il vit Lucile sur le bord du chemin, et la salua respectueusement. Lucile baissa son voile avec précipitation et s’enfonça dans le bois, ne réfléchissant pas que se cacher ainsi, c’était avouer le motif qui l’avait amenée : la pauvre enfant n’avait rien éprouvé de si vif, ni de si coupable en sa vie, que le sentiment qui l’avait conduite à désirer de voir passer lord Nelvil ; et loin de penser à le saluer tout simplement, elle se croyait perdue dans son esprit pour avoir été devinée. Oswald comprit tous ces mouvemens, et se sentit doucement flatté par cet innocent intérêt si timidement et si sincèrement exprimé. — Personne, pensait-il, ne pouvait être plus vraie que Corinne, mais personne aussi ne connaissait mieux elle-même et les autres : il faudrait apprendre à Lucile, et l’amour qu’elle éprouverait et celui qu’elle inspirerait.