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CORINNE OU L’ITALIE.

trer, les femmes doivent rester dans l’ombre. Comment voulez-vous qu’une personne aussi distinguée que votre fille se contente d’un tel sort ? Croyez-moi, mariez-la en Italie : sa religion, ses goûts et ses talens l’y appellent. Si mon fils épousait miss Edgermond, il l’aimerait sûrement beaucoup, car il est impossible d’être plus séduisante ; et il essaierait alors, pour lui plaire, d’introduire dans sa maison les coutumes étrangères. Bientôt il perdrait cet esprit national, ces préjugés, si vous le voulez, qui nous unissent entre nous et font de notre nation un corps, une association libre mais indissoluble, qui ne peut périr qu’avec le dernier de nous. Mon fils se trouverait bientôt mal en Angleterre, en voyant que sa femme n’y serait pas heureuse. Il a, je le sais, toute la faiblesse que donne la sensibilité ; il irait donc s’établir en Italie, et cette expatriation, si je vivais encore, me ferait mourir de douleur. Ce n’est pas seulement parce qu’elle me priverait de mon fils, c’est parce qu’elle lui ravirait l’honneur de servir son pays.

Quel sort pour un habitant de nos montagnes, que de traîner une vie oisive au sein