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CORINNE OU L’ITALIE.

renverser Oswald ; mais d’une main il saisit la bride, et de l’autre il soutint Lucile, qui en sautant s’appuya légèrement sur lui.

Que fallait-il de plus pour convaincre Corinne du sentiment d’Oswald pour Lucile ? Ne voyait-elle pas tous les signes d’intérêt qu’il lui avait autrefois prodigués ? Et même, pour son éternel désespoir, ne croyait-elle pas apercevoir dans les regards de lord Nelvil plus de timidité, plus de réserve qu’il n’en avait dans le temps de son amour pour elle ? Deux fois elle tira l’anneau de son doigt ; elle était prête à fendre la foule pour le jeter aux pieds d’Oswald ; et l’espoir de mourir à l’instant même l’encourageait dans cette résolution. Mais quelle est la femme, née même sous le soleil du midi, qui peut, sans frissonner, attirer sur ses sentimens l’attention de la multitude. Bientôt Corinne frémit à la pensée de se montrer à lord Nelvil dans cet instant, et sortit de la foule pour rejoindre sa voiture. Comme elle traversait une allée solitaire, Oswald vit encore de loin cette même figure noire qui l’avait frappé, et l’impression qu’elle produisit sur lui cette fois fut beaucoup plus vive. Cependant il attribua l’émotion qu’il en ressentait au remords d’avoir été dans ce jour, pour la première fois, infidèle