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CORINNE OU L’ITALIE.

dans une lettre où elle n’écrivit que ces mots : Vous êtes libre. Et mettant la lettre dans son sein, elle attendit que le soir approchât pour aller chez Oswald. Il lui sembla qu’en plein jour elle eût rougi devant tous ceux qui l’auraient regardée, et cependant elle voulait devancer le moment où lord Nelvil avait coutume d’aller chez lady Edgermond. À six heures donc elle partit, mais en tremblant comme une esclave condamnée. On a si peur de ce qu’on aime quand une fois la confiance est perdue ! Ah ! l’objet d’une affection passionnée est à nos yeux, ou le protecteur le plus sûr, ou le maître le plus redoutable.

Corinne fit arrêter sa voiture devant la porte de lord Nelvil, et demanda d’une voix tremblante à l’homme qui ouvrait cette porte s’il était chez lui. Depuis une demi-heure, madame, répondit-il, mylord est parti pour l’Écosse. Cette nouvelle serra le cœur de Corinne ; elle tremblait de voir Oswald ; mais cependant son ame allait au-devant de cette inexprimable émotion. L’effort était fait, elle se croyait près d’entendre sa voix, et il fallait maintenant prendre une nouvelle résolution pour le retrouver, attendre encore plusieurs