Page:De Staël - Corinne ou l'Italie, Tome II, 1807.djvu/378

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cet anéantissement, dont elle ne pouvait elle-même se rendre compte, lui donnait du calme. Le malheur l’avait vaincue : ne faut-il pas tôt ou tard que les plus rebelles courbent la tête sous son joug ?

Le dimanche Corinne partit d’Écosse avec le comte d’Erfeuil. — C’est aujourd’hui, dit-elle en se levant de son lit pour aller dans sa voiture, c’est aujourd’hui ! — Le comte d’Erfeuil voulut l’interroger, elle ne répondit point, et retomba dans le silence. Ils passèrent devant une église, et Corinne demanda la permission au comte d’Erfeuil d’y entrer un moment ; elle se mit à genoux devant l’autel, et s’imaginant qu’elle y voyait Oswald et Lucile, elle pria pour eux ; mais l’émotion qu’elle ressentit fut si forte qu’en voulant se relever elle chancela, et ne put faire un pas sans être soutenue par Thérésine et le comte d’Erfeuil qui vinrent au-devant d’elle. On se levait dans l’église pour la laisser passer, et on lui montrait une grande pitié. — J’ai donc l’air bien malade, dit-elle au comte d’Erfeuil ; il y a des personnes plus jeunes et plus brillantes que moi qui sortent à cette heure d’un pas triomphant de l’église. —

Le comte d’Erfeuil n’entendit pas la fin de ces paroles ; il était bon, mais il ne pouvait être sen-