Page:De Staël - Corinne ou l'Italie, Tome II, 1807.djvu/411

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plaisir ; mais elle était dans un tel état de souffrance en sortant de cet entretien, que son ami se crut absolument obligé de se l’interdire. Le prince Castel-Forte avait une ame sensible ; mais un homme, et surtout un homme qui a été vivement occupé d’une femme, ne sait, quelque généreux qu’il soit, comment la consoler du sentiment qu’elle éprouve pour un autre. Un peu d’amour-propre en lui, et de timidité dans elle, empêchent que l’intimité de la confiance ne soit parfaite : d’ailleurs à quoi servirait-elle ? il n’y a de remède qu’aux chagrins qui se guériraient d’eux-mêmes.

Corinne et le prince Castel-Forte se promenaient ensemble chaque jour sur les bords de l’Arno. Il parcourait tous les sujets d’entretien avec un aimable mélange d’intérêt et de ménagement : elle le remerciait en lui serrant la main ; quelquefois elle essayait de parler sur les objets qui tiennent à l’ame : ses yeux se remplissaient de pleurs, et son émotion lui faisait mal ; sa pâleur et son tremblement étaient pénibles à voir, et son ami cherchait bien vite à la détourner de ces idées. Une fois elle se mit tout à coup à plaisanter avec sa grâce accoutumée ; le prince Castel-Forte la regarda avec surprise et joie, mais elle s’enfuit aussitôt en fondant en larmes.