Page:De Staël - Corinne ou l'Italie, Tome II, 1807.djvu/415

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pu dire de la légèreté, de la mobilité de Corinne ; il entra dans le sens de l’inimitié contre elle, car il l’aimait assez encore pour être injuste. Il oublia qu’il avait tout-à-fait renoncé depuis plusieurs mois à l’idée d’épouser Corinne, et que Lucile lui avait inspiré un goût assez vif. Il se crut un homme sensible trahi par une femme infidèle ; il éprouva du trouble, de la colère, du malheur, mais surtout un mouvement de fierté qui dominait toutes les autres impressions, et lui inspirait le désir de se montrer supérieur à celle qui l’abandonnait. Il ne faut pas beaucoup se vanter de la fierté dans les attachemens du cœur ; elle n’existe presque jamais que quand l’amour-propre l’emporte sur l’affection ; et si lord Nelvil eut aimé Corinne comme dans les jours de Rome et de Naples, le ressentiment contre les torts qu’il lui croyait ne l’eût point encore détaché d’elle.

Lady Edgermond s’aperçut du trouble de lord Nelvil : c’était une personne passionnée sous de froids dehors ; et la maladie mortelle dont elle se sentait menacée ajoutait à l’ardeur de son intérêt pour sa fille. Elle savait que la pauvre enfant aimait lord Nelvil, et tremblait d’avoir compromis son bonheur en le lui faisant connaître. Elle ne perdait donc pas Oswald un