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CORINNE OU L’ITALIE.

tendre patiemment l’arrivée de l’aveugle, il alla au-devant de lui, et le rencontra au bout de l’avenue.

— Mon ami, lui dit-il, on vous a donné une lettre pour moi le jour du bal au château : qui vous l’avait remise ? — Mylord voit que je suis aveugle, comment pourrais-je le lui dire ? — Croyez-vous que ce soit une femme ? — Oui, mylord, car elle avait un son de voix très-doux, autant qu’on pouvait le remarquer, malgré ses larmes, car j’entendais bien qu’elle pleurait. — Elle pleurait, reprit Oswald, et que vous a-t-elle dit ? — Vous remettrez cette lettre au domestique d’Oswald, bon vieillard : puis, se reprenant tout de suite elle a ajouté, à lord Nelvil. — Ah, Corinne ! s’écria Oswald, et il fut obligé de s’appuyer sur le vieillard, car il était prêt à s’évanouir. — Mylord, continua le vieillard aveugle, j’étais assis au pied d’un arbre quand elle me donna cette commission ; je voulus m’en acquitter tout de suite ; mais comme j’ai de la peine à me relever à mon âge, elle a daigné m’aider elle-même, m’a donné plus d’argent que je n’en avais eu depuis long-temps, et je sentais sa main qui tremblait en me soutenant, comme la vôtre, mylord, à présent.