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CORINNE OU L’ITALIE.

Lucile, au moment d’une cruelle douleur, eut à souffrir la plus affreuse inquiétude. Il paraît que dans son délire lord Nelvil prononça plusieurs fois le nom de Corinne et celui de l’Italie. Il demandait souvent dans ses rêveries du soleil, le midi, un air plus chaud ; quand le frisson de la fièvre le prenait il disait : il fait si froid dans ce nord, que jamais on ne pourra se réchauffer. Quand il revint à lui il fut bien étonné d’apprendre que Lucile avait tout disposé pour le voyage d’Italie ; il s’en étonna : elle lui donna pour motif le conseil des médecins. — Si vous le permettez, ajouta-t-elle, ma fille et moi nous vous accompagnerons : il ne faut pas qu’un enfant soit séparé de son père ni de sa mère. — Sans doute, reprit lord Nelvil, il ne faut pas que nous nous séparions : mais ce voyage vous fait-il de la peine ? parlez, j’y renoncerai. — Non, reprit Lucile, ce n’est pas cela qui me fait de la peine…. — Lord Nelvil la regarda, lui prit la main : elle allait s’expliquer davantage ; mais le souvenir de sa mère, qui lui avait recommandé de ne jamais avouer à lord Nelvil la jalousie qu’elle ressentait, l’arrêta tout à coup, et elle reprit en disant : — Mon premier intérêt, mylord, vous devez le croire, c’est le rétablissement de votre santé. — Vous avez une