LORD Nelvil craignait les souvenirs que lui
retraçait la France ; il la traversa donc rapidement :
car Lucile ne témoignant, dans ce voyage,
ni désir ni volonté sur rien, c’était lui seul qui
décidait de tout. Ils arrivèrent au pied des
montagnes qui séparent le Dauphiné de la Savoie,
et montèrent à pied ce qu’on appelle le
pas des échelles : c’est une route pratiquée dans
le roc, et dont l’entrée ressemble à celle d’une
profonde caverne ; elle est sombre dans toute sa
longueur, même pendant les plus beaux jours
de l’été. On était alors au commencement de décembre,
il n’y avait point encore de neige ; mais
l’automne, saison de décadence, touchait elle-même
à sa fin, et faisait place à l’hiver. Toute
la route était couverte de feuilles mortes, que
le vent y avait apportées : car il n’existait point
d’arbres dans ce chemin rocailleux, et près des
débris de la nature flétrie, on ne voyait point
les rameaux, espoir de l’année suivante. La vue