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CORINNE OU L’ITALIE.


CHAPITRE V.


LORD Nelvil craignait les souvenirs que lui retraçait la France ; il la traversa donc rapidement : car Lucile ne témoignant, dans ce voyage, ni désir ni volonté sur rien, c’était lui seul qui décidait de tout. Ils arrivèrent au pied des montagnes qui séparent le Dauphiné de la Savoie, et montèrent à pied ce qu’on appelle le pas des échelles : c’est une route pratiquée dans le roc, et dont l’entrée ressemble à celle d’une profonde caverne ; elle est sombre dans toute sa longueur, même pendant les plus beaux jours de l’été. On était alors au commencement de décembre, il n’y avait point encore de neige ; mais l’automne, saison de décadence, touchait elle-même à sa fin, et faisait place à l’hiver. Toute la route était couverte de feuilles mortes, que le vent y avait apportées : car il n’existait point d’arbres dans ce chemin rocailleux, et près des débris de la nature flétrie, on ne voyait point les rameaux, espoir de l’année suivante. La vue