Page:De Staël - Corinne ou l'Italie, Tome II, 1807.djvu/494

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
490
CORINNE OU L’ITALIE.

ni contrainte. Corinne ne cacha point à Lucile qu’elle se croyait certaine qu’elle n’avait plus que peu de temps à vivre : et sa pâleur et sa faiblesse ne le prouvaient que trop. Elle aborda simplement avec Lucile les sujets d’entretien les plus délicats ; elle lui parla de son bonheur et de celui d’Oswald. Elle savait par tout ce que le prince Castel-Forte lui avait raconté, et mieux encore parce qu’elle avait deviné, que la contrainte et la froideur existaient souvent dans leur intérieur ; et se servant alors de l’ascendant que lui donnaient et son esprit et la fin prochaine dont elle était menacée, elle s’occupa généreusement de rendre Lucile plus heureuse avec lord Nelvil. Connaissant parfaitement le caractère de celui-ci, elle fit comprendre à Lucile pourquoi il avait besoin de trouver dans celle qu’il aimait une manière d’être à quelques égards différente de la sienne ; une confiance spontanée, parce que sa réserve naturelle l’empêchait de la solliciter ; plus d’intérêt, parce qu’il était susceptible de découragement ; et de la gaieté, précisément parce qu’il souffrait de sa propre tristesse. Corinne se peignit elle-même dans les jours brillans de sa vie ; elle se jugea comme elle aurait pu juger une étrangère, et montra vivement à Lucile com-