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CORINNE OU L’ITALIE.

bannissez point les femmes de son temple, vous qui ne sacrifiez point des talens immortels aux jalousies passagères, vous qui toujours applaudissez à l’essor du génie : ce vainqueur sans vaincus, ce conquérant sans dépouilles qui puise dans l’éternité pour enrichir le temps. Quelle confiance m’inspirait jadis la nature et la vie ! Je croyais que tous les malheurs venaient de ne pas assez penser, de ne pas assez sentir, et que déjà sur la terre on pouvait goûter d’avance la félicité céleste qui n’est que la durée dans l’enthousiasme, et la constance dans l’amour.

Non, je ne me repens point de cette exaltation généreuse, non, ce n’est point elle qui m’a fait verser les pleurs dont la poussière qui m’attend est arrosée. J’aurais rempli ma destinée, j’aurais été digne des bienfaits du ciel, si j’avais consacré ma lyre retentissante à célébrer la bonté divine manifestée par l’univers. Vous ne rejetez point, ô mon Dieu ! le tribut des talens. L’hommage de la poésie est religieux, et les ailes de la pensée servent à se rapprocher de vous.

Il n’y a rien d’étroit, rien d’asservi, rien de limité dans la religion. Elle est l’immense, l’infini, l’éternel ; et loin que le génie puisse