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CORINNE OU L’ITALIE.

mes, si je me crois encore aimée, c’est parce que je vais disparaître, mais si je ressaisissais la vie, elle retournerait bientôt contre moi tous ses poignards.

Et vous, Rome, où mes cendres seront transportées, pardonnez, vous qui avez tant vu mourir, si je rejoins d’un pas tremblant vos ombres illustres, pardonnez-moi de me plaindre. Des sentimens, des pensées peut-être nobles, peut-être fécondes, s’éteignent avec moi, et, de toutes les facultés de l’ame que je tiens de la nature, celle de souffrir est la seule que j’aie exercée tout entière.

N’importe, obéissons. Le grand mystère de la mort, quel qu’il soit, doit donner du calme. Vous m’en répondez, tombeaux silencieux, vous m’en répondez, divinité bienfaisante ! J’avais choisi sur la terre, et mon cœur n’a plus d’asile. Vous décidez pour moi : mon sort en vaudra mieux. »


Ainsi finit le dernier chant de Corinne. La salle retentit d’un triste et profond murmure d’applaudissemens. Lord Nelvil, ne pouvant soutenir la violence de son émotion, perdit entièrement connaissance. Corinne en le voyant dans