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CORINNE OU L’ITALIE.

père, répondit-elle, écartez loin de moi ce portrait ( c’était celui d’Oswald ), et mettez sur mon cœur l’image de celui qui descendit sur la terre, non pour la puissance, non pour le génie, mais pour la souffrance et la mort, elles en avaient grand besoin. — Corinne aperçut alors le prince Castel-Forte qui pleurait auprès de son lit. — Mon ami, lui dit-elle, en lui tendant la main, il n’y a que vous près de moi dans ce moment. J’ai vécu pour aimer, et sans vous je mourrais seule. — Et ses larmes coulèrent à ce mot ; puis elle dit encore : — Au reste ce moment se passe de secours, nos amis ne peuvent nous suivre que jusqu’au seuil de la vie. Là commencent des pensées dont le trouble et la profondeur ne sauraient se confier. —

Elle se fit transporter sur un fauteuil, près de la fenêtre, pour voir encore le ciel. Lucile revint alors, et le malheureux Oswald, ne pouvant plus se contenir, la suivit, et tomba sur ses genoux en approchant de Corinne. Elle voulut lui parler, et n’en eut pas la force. Elle leva ses regards vers le ciel, et vit la lune qui se couvrait du même nuage qu’elle avait fait remarquer à lord Nelvil quand ils s’arrêtèrent sur le bord de la mer en allant à Naples. Alors elle le lui montra de sa main mourante, et son dernier soupir fit retomber cette main.