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CORINNE OU L’ITALIE.

pouviez venir ici pour m’emmener, vous me sauveriez peut-être la vie ; car les Anglais voyagent librement encore en France ; et moi je ne puis obtenir un passe-port ; le nom de mon frère me rend suspecte. Si la malheureuse sœur de Raimond vous intéresse assez pour venir la chercher, vous saurez à Paris chez M. de Maltigues, mon parent, le lieu de ma retraite. Mais si vous avez la généreuse intention de me secourir, ne perdez pas un instant pour l’accomplir ; car on dit que la guerre peut éclater d’un jour à l’autre entre nos deux pays. »

Représentez-vous l’effet que cette lettre produisit sur moi. Mon ami massacré, sa sœur au désespoir, et leur fortune, disait-elle, entre mes mains, bien que je n’en eusse pas reçu la moindre nouvelle. Ajoutez à ces circonstances le danger de madame d’Arbigny, et l’idée qu’elle avait que je pouvais la servir en allant la chercher. Il ne me parut pas possible d’hésiter ; et je partis à l’instant, en envoyant un courrier à mon père qui lui portait la lettre que je venais de recevoir, et la promesse qu’avant quinze jours je serais revenu ! Par un hasard vraiment cruel, l’homme que j’envoyai tomba malade en route, et la seconde lettre que j’écrivis à