Page:De la Mennais - De la religion, 1826.djvu/45

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que l’état demande, ce qu’on lui promet ; et le ministère, à chaque article de son tarif dégradant, aura soin de stipuler une lâche et servile obéissance. Toute charge, quelque haute qu’elle soit, sera, dès lors, placée entre le mépris qu’elle inspire, et la convoitise qu’elle excite, à cause de ce qu’elle vaut d’argent. Il y aura même, en certains cas, un revenu attribué à l’honneur, afin que quelques uns en veuillent. Le trésor devra solder tous les désirs qu’on redoute : il paiera les discours, il paiera le silence même. Les finances deviendront une immense loterie, vers laquelle afflueront toutes les cupidités. Dans le délire universel, les mots changeront de valeur, les dettes s’appelleront richesse ; on échangera avidement ses terres contre un morceau de papier : ce sera le temps de l’imagination.

Un mouvement prodigieux, sans aucun but connu, sans direction constante, agitera la société. Dans l’instabilité générale, chacun, sentant que tout lui échappe, que la famille même n’a plus de garantie de durée, ne regardera que soi, ne pensera qu’à soi. également privés d’avenir et de passé, sans ancêtres dont le souvenir ait désormais quelque prix, sans postérité sur laquelle ils puissent fonder un sage espoir, isolés dans le temps comme dans la vie, les hommes demanderont au jour présent ce qu’au sein d’une vraie société les siècles seuls accordent. Ils voudront tout, et tout à la fois.