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MOLL FLANDERS

se laissèrent fléchir et le rendirent ; je dis, après toutes ces choses terribles, nous arrivâmes à la rivière d’York, en Virginie, et, venant à notre plantation, nous fûmes reçus par la mère de mon mari avec toute la tendresse et l’affection qu’on peut s’imaginer.

Nous vécûmes là tous ensemble : ma belle-mère, sur ma demande, continuant à habiter dans la maison, car c’était une trop bonne mère pour qu’on se séparât d’elle ; et mon mari d’abord resta le même ; et je me croyais la créature la plus heureuse qui fût en vie, quand un événement étrange et surprenant mit fin à toute cette félicité en un moment et rendit ma condition la plus incommode du monde.

Ma mère était une vieille femme extraordinairement gaie et pleine de bonne humeur, je puis bien dire vieille, car son fils avait plus de trente ans ; elle était de bonne compagnie, dis-je, agréable, et m’entretenait en privé d’abondance d’histoires pour me divertir, autant sur la contrée où nous étions que sur les habitants.

Et, entre autres, elle me disait souvent comment la plus grande partie de ceux qui vivaient dans cette colonie y étaient venus d’Angleterre dans une condition fort basse, et qu’en général il y avait deux classes : en premier lieu, tels qui étaient transportés par des maîtres de vaisseau pour être vendus comme serviteurs ; ou, en second lieu, tels qui sont déportés après avoir été reconnus coupables de crimes qui méritent la mort.

— Quand ils arrivent ici, dit-elle, nous ne faisons pas de différence : les planteurs les achètent, et ils vont travailler tous ensemble aux champs jusqu’à ce que leur temps soit fini ; quand il est expiré, dit-elle, on leur