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MOLL FLANDERS

Ceci accrut son impatience qui vraiment l’inquiéta plus qu’on ne saurait supporter ; car, maintenant, il commença de soupçonner qu’il y avait quelque mystère encore enveloppé, mais ne put en approcher, si fort qu’il devinât ; tout ce qui courait dans sa cervelle était que j’avais un autre mari vivant, mais je l’assurai qu’il n’y avait nulle parcelle de telle chose en l’affaire ; en vérité, pour mon autre mari, il était réellement mort pour moi et il m’avait dit de le considérer comme tel, de sorte que je n’avais pas la moindre inquiétude sur ce chapitre.

Mais je trouvai maintenant que la chose était allée trop loin pour la dissimuler plus longtemps, et mon mari lui-même me donna l’occasion de m’alléger du secret bien à ma satisfaction ; il m’avait travaillée trois ou quatre semaines, sans parvenir à rien, pour obtenir seulement que je lui dise si j’avais prononcé ces paroles à seule fin de le mettre en colère, ou s’il y avait rien de vrai au fond. Mais je restai inflexible, et refusai de rien expliquer, à moins que d’abord il consentît à mon départ pour l’Angleterre, ce qu’il ne ferait jamais, dit-il, tant qu’il serait en vie ; d’autre part, je lui dis qu’il était en mon pouvoir de le rendre consentant au moment qu’il me plairait, ou même de faire qu’il me supplierait de partir ; et ceci accrut sa curiosité et le rendit importun au plus haut point.

Enfin il dit toute cette histoire à sa mère, et la mit à l’œuvre sur moi, afin de me tirer la vérité ; en quoi elle employa vraiment toute son adresse la plus fine ; mais je l’arrêtai tout net en lui disant que le mystère de toute l’affaire était en elle-même, que c’était le respect que je lui portais qui m’avait engagée à le dissimuler, et qu’en