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MOLL FLANDERS

réponse, accrut ses importunités ; elle allégua qu’on lui avait confié les plus grands secrets de cette nature, qu’il était de son intérêt de tout dissimuler, et que de découvrir des choses de cette nature serait sa ruine ; elle me demanda si jamais je l’avais surprise à babiller sur les affaires d’autrui, et comment il se faisait que j’eusse du soupçon à son égard. Elle me dit que s’ouvrir à elle, c’était ne dire mon secret à personne ; qu’elle était muette comme la mort, et qu’il faudrait sans doute que ce fut un cas bien étrange, pour qu’elle ne pût m’y porter secours ; mais que de le dissimuler était me priver de toute aide possible ou moyen d’aide, et tout ensemble la priver de l’opportunité de me servir. Bref, son éloquence fut si ensorcelante et son pouvoir de persuasion si grand qu’il n’y eut moyen de rien lui cacher.

Si bien que je résolus de lui ouvrir mon cœur ; je lui dis l’histoire de mon mariage du Lancashire, et comment nous avions été déçus tous deux ; comment nous nous étions rencontrés et comment nous nous étions séparés ; comment il m’avait affranchie, autant qu’il avait été en son pouvoir, et m’avait donné pleine liberté de me remarier, jurant que s’il l’apprenait, jamais il ne me réclamerait, ne me troublerait ou me ferait reconnaître ; que je croyais bien être libre, mais que j’avais affreusement peur de m’aventurer, de crainte des conséquences qui pourraient suivre en cas de découverte.

Puis je lui dis la bonne offre qu’on me faisait, lui montrai les lettres de mon ami où il m’invitait à Londres et avec quelle affection elles étaient écrites ; mais j’effaçai son nom, et aussi l’histoire du désastre de sa femme, sauf la ligne où il disait qu’elle était morte.