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MOLL FLANDERS

Cependant quelques-uns de ses voisins étant entrés, et voyant comment allaient les choses, s’étaient efforcés de ramener le mercier dans son sens ; et il commença d’être convaincu qu’il était dans son tort ; de sorte qu’enfin nous allâmes tous bien tranquillement devant le juge avec une queue d’environ cinq cents personnes sur nos talons ; et tout le long de la route j’entendais les gens qui demandaient : « Qu’est-ce qu’il y a ? » et d’autres qui répondaient : « C’est un mercier qui avait arrêté une dame à la place d’une voleuse ; et après, la voleuse a été prise, et maintenant c’est la dame qui a fait prendre le mercier pour l’amener devant la justice. » Ceci charmait étrangement la populace, et la foule augmentait à vue d’œil, et ils criaient pendant que nous marchions : « Où est-il, le coquin ? Où est-il, le mercier ? » et particulièrement les femmes ; puis, quand elles le voyaient, elles s’écriaient : « Le voilà ! le voilà ! » et tous les moments il lui arrivait un bon paquet de boue ; et ainsi nous marchâmes assez longtemps ; jusqu’enfin le mercier crut bon de prier le commissaire d’appeler un carrosse pour le protéger de la canaille ; si bien que nous fîmes le reste de la route en voiture, le commissaire et moi, et le mercier et le compagnon.

Quand nous arrivâmes devant le juge, qui était un ancien gentilhomme de Bloomsbury, le commissaire ayant d’abord sommairement rendu compte de l’affaire, le juge me pria de parler, et d’articuler ce que j’avais à dire, et d’abord il me demanda mon nom, que j’étais très répugnante à donner, mais il n’y avait point de remède ; de sorte que je lui dis que mon nom était Mary Flanders ; que j’étais veuve, mon mari, qui était