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MOLL FLANDERS

côté. » Alors il s’interrompait et parlait à voix basse, prétendant ne l’avoir pas su, et avouait qu’il avait eu tort ; puis, feignant de s’oublier, se mettait à parler de nouveau à voix haute, et moi, qui étais si charmée de l’entendre, je n’avais garde de ne point l’écouter à toutes occasions.

Après qu’il eut ainsi amorcé son hameçon et assez aisément trouvé le moyen de placer l’appât sur ma route, il joua à jeu découvert, et un jour, passant par la chambre de sa sœur pendant que j’y étais, il entre avec un air de gaieté :

— Oh ! madame Betty, me dit-il, comment allez-vous, madame Betty ? Est-ce que les joues ne vous brûlent pas, madame Betty.

Je fis une révérence et me mis à rougir, mais ne répondis rien.

— Pourquoi lui dis-tu cela, mon frère ? dit la demoiselle.

— Mais, reprit-il, parce que nous venons de parler d’elle, en bas, cette demi-heure.

— Eh bien, dit sa sœur, vous n’avez pas pu dire de mal d’elle, j’en suis sûre ; ainsi, peu importe ce dont vous avez pu parler.

— Non, non, dit-il, nous avons été si loin de dire du mal d’elle, que nous en avons dit infiniment de bien, et beaucoup, beaucoup de belles choses ont été répétées sur Mme Betty, je t’assure, et en particulier que c’est la plus jolie jeune fille de Colchester ; et, bref, ils commencent en ville à boire à sa santé.

— Je suis vraiment surprise de ce que tu dis, mon frère, répond la sœur ; il ne manque qu’une chose à Betty, mais autant vaudrait qu’il lui manquât tout, car