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MOLL FLANDERS

ainsi que je savais, si faibles qu’il ne pouvait point voir pour la lire : mais tout alla mieux encore, car il avait permis à son fils, à cause que sa vue était faible, d’ouvrir toutes les lettres qui lui viendraient en main à son nom, et le vieux monsieur étant absent ou hors de la maison quand mon messager arriva, ma lettre vint tout droit dans les mains de mon fils, et il l’ouvrit et la lut.

Il fit venir le messager après quelque peu de pause et lui demanda où était la personne qui lui avait remis cette lettre. Le messager lui dit l’endroit, qui était à environ sept milles, de sorte qu’il lui dit d’attendre, se fit seller un cheval, emmena deux domestiques, et le voilà venir vers moi avec le messager. Qu’on juge de la consternation où je fus quand mon messager revint et me dit que le vieux monsieur n’était pas chez lui, mais que son fils était arrivé avec lui et que j’allais le voir tout à l’heure. Je fus parfaitement confondue, car je ne savais si c’était la guerre ou la paix, et j’ignorais ce qu’il fallait faire. Toutefois, je n’eus que bien peu de moments pour réfléchir, car mon fils était sur les talons du messager, et arrivant à mon logement, il fit à l’homme qui était à la porte quelque question en ce genre, je suppose, car je ne l’entendis pas, à savoir quelle était la dame qui l’avait envoyée, car le messager dit : « C’est elle qui est là, monsieur » ; sur quoi mon fils vient droit à moi, me baise, me prit dans ses bras, m’embrassa avec tant de passion qu’il ne pouvait parler et je pouvais sentir sa poitrine se soulever et haleter comme un enfant qui pleure et sanglote sans pouvoir s’écrier.

Je ne puis ni exprimer ni décrire la joie qui me toucha jusqu’à l’âme quand je trouvai, car il fut aisé de décou-