Page:Defoe - Robinson Crusoé, Borel et Varenne, 1836, tome 1.djvu/202

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réduisis les deux côtés en copeaux, jusqu’à ce qu’elle fût assez légère pour être remuée. Alors je la tournai et je corroyai une de ses faces, comme une planche, d’un bout à l’autre ; puis je tournai ce côté dessous et je la bûchai sur l’autre face jusqu’à ce qu’elle fût réduite à un madrier de trois pouces d’épaisseur environ. Il n’y a personne qui ne puisse juger quelle rude besogne c’était pour mes mains ; mais le travail et la patience m’en faisaient venir à bout comme de bien d’autres choses ; j’ai seulement cité cette particularité pour montrer comment une si grande portion de mon temps s’écoulait à faire si peu d’ouvrage ; c’est-à-dire que telle besogne, qui pourrait n’être rien quand on a de l’aide et des outils, devient un énorme travail, et demande un temps prodigieux pour l’exécuter seulement avec ses mains.

Mais, nonobstant, avec de la persévérance et de la peine, j’achevai bien des choses, et, de fait, toutes les choses que ma position exigeait que je fisse, comme il apparaîtra par ce qui suit.

J’étais alors dans les mois de novembre et de décembre, attendant ma récolte d’orge et de riz. Le terrain que j’avais labouré ou bêché n’était pas grand ; car, ainsi que je l’ai fait observer, mes semailles de chaque espèce n’équivalaient pas à un demi-picotin, parce que j’avais perdu toute une moisson pour avoir ensemencé dans la saison sèche. Toutefois, la moisson promettait d’être belle, quand je m’aperçus tout à coup que j’étais en danger de la voir détruite entièrement par divers ennemis dont il était à peine possible de se garder : d’abord par les boucs, et ces animaux sauvages que j’ai nommés lièvres, qui, ayant tâté du goût exquis du blé, s’y tapissaient nuit et jour, et le broutaient à mesure qu’il poussait, et si