Page:Defoe - Robinson Crusoé, Borel et Varenne, 1836, tome 1.djvu/302

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trouvait une plate-forme, puis la retirant après moi et la replaçant de nouveau, je parvins au sommet de la colline. Là, couché à plat-ventre sur la terre, je pris ma longue-vue, que j’avais apportée à dessein et je la braquai. Je vis aussitôt qu’il n’y avait pas moins de neuf Sauvages assis en rond autour d’un petit feu, non pas pour se chauffer, car la chaleur était extrême, mais, comme je le supposai, pour apprêter quelque atroce mets de chair humaine qu’ils avaient apportée avec eux, ou morte ou vive, c’est ce que je ne pus savoir.

Ils avaient avec eux deux pirogues halées sur le rivage ; et, comme c’était alors le temps du jusant, ils me semblèrent attendre le retour du flot pour s’en retourner. Il n’est pas facile de se figurer le trouble où me jeta ce spectacle, et surtout leur venue si proche de moi et sur mon côté de l’île. Mais quand je considérai que leur débarquement devait toujours avoir lieu au jusant, je commençai à retrouver un peu de calme, certain de pouvoir sortir en toute sûreté pendant le temps du flot, si personne n’avait abordé au rivage auparavant. Cette observation faite, je me remis à travailler à ma moisson avec plus de tranquillité.

La chose arriva comme je l’avais prévue ; car aussitôt que la marée porta à l’Ouest je les vis touts monter dans leurs pirogues et touts ramer ou pagayer, comme cela s’appelle. J’aurais dû faire remarquer qu’une heure environ avant de partir ils s’étaient mis à danser, et qu’à l’aide de ma longue-vue j’avais pu appercevoir leurs postures et leurs gesticulations. Je reconnus, par la plus minutieuse observation, qu’ils étaient entièrement nus, sans le moindre vêtement sur le corps ; mais étaient-ce des hommes ou des femmes ? il me fut impossible de le distinguer.

Sitôt qu’ils furent embarqués et partis, je sortis avec