Page:Defoe - Robinson Crusoé, Borel et Varenne, 1836, tome 1.djvu/444

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de nuit. Le lendemain matin, de très-bonne heure, deux des cinq exilés rejoignirent le bâtiment à la nage, et, se plaignant très-lamentablement des trois autres bannis, demandèrent au nom de Dieu à être pris à bord, car ils seraient assassinés. Ils supplièrent le capitaine de les accueillir, dussent-ils être pendus sur-le-champ.

À cela le capitaine prétendit ne pouvoir rien sans moi ; mais après quelques difficultés, mais après de leur part une solemnelle promesse d’amendement, nous les reçûmes à bord. Quelque temps après ils furent fouettés et châtiés d’importance ; dès lors ils se montrèrent de fort tranquilles et de fort honnêtes compagnons.

Ensuite, à marée haute, j’allai au rivage avec la chaloupe chargée des choses promises aux exilés, et auxquelles, à mon intercession, le capitaine avait donné l’ordre qu’on ajoutât leurs coffres et leurs vêtements, qu’ils reçurent avec beaucoup de reconnaissance. Pour les encourager je leur dis que s’il ne m’était point impossible de leur envoyer un vaisseau pour les prendre, je ne les oublierais pas.

Quand je pris congé de l’île j’emportai à bord, comme reliques, le grand bonnet de peau de chèvre que je m’étais fabriqué, mon parasol et un de mes perroquets. Je n’oubliai pas de prendre l’argent dont autrefois je fis mention, lequel était resté si long-temps inutile qu’il s’était terni et noirci ; à peine aurait-il pu passer pour de l’argent avant d’avoir été quelque peu frotté et manié. Je n’oubliai pas non plus celui que j’avais trouvé dans les débris du vaisseau espagnol.

C’est ainsi que j’abandonnai mon île le dix-neuf décembre mil six cent quatre-vingt-six, selon le calcul du navire, après y être demeuré vingt-huit ans deux mois