Page:Defoe - Robinson Crusoé, Borel et Varenne, 1836, tome 2.djvu/129

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y étant dans une étendue suffisante, également propre à l’un et à l’autre. Toutefois, après une seconde réflexion, ils modifièrent cette résolution ; ils se décidèrent à ne parquer dans ce lieu qu’une partie de leurs bestiaux, et à n’y semer qu’une portion de leur grain, afin que si une partie était détruite l’autre pût être sauvée. Ils adoptèrent encore une autre mesure de prudence, et ils firent bien ; ce fut de ne point laisser connaître aux trois Sauvages leurs prisonniers qu’ils avaient des cultures et des bestiaux dans la vallée, et encore moins qu’il s’y trouvait une caverne qu’ils regardaient comme une retraite sûre en cas de nécessité. C’est là qu’ils transportèrent les deux barils de poudre que je leur avais abandonnés lors de mon départ.

Résolus de ne pas changer de demeure, et reconnaissant l’utilité des soins que j’avais pris à masquer mon habitation par une muraille ou fortification et par un bocage, bien convaincus de cette vérité que leur salut dépendait du secret de leur retraite, ils se mirent à l’ouvrage afin de fortifier et cacher ce lieu encore plus qu’auparavant. À cet effet j’avais planté des arbres — ou plutôt enfoncé des pieux qui avec le temps étaient devenus des arbres. — Dans un assez grand espace, devant l’entrée de mon logement, ils remplirent, suivant la même méthode, tout le reste du terrain depuis ces arbres jusqu’au bord de la crique, où, comme je l’ai dit, je prenais terre avec mes radeaux, et même jusqu’au sol vaseux que couvrait le flot de la marée, ne laissant aucun endroit où l’on pût débarquer ni rien qui indiquât qu’un débarquement fût possible aux alentours. Ces pieux, comme autrefois je le mentionnai, étaient d’un bois d’une prompte végétation ; ils eurent soin de les choisir généralement beaucoup plus forts et beaucoup plus grands que ceux que j’avais plantés, et de les placer si drus et