Page:Defoe - Robinson Crusoé, Borel et Varenne, 1836, tome 2.djvu/147

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s’il en reconnaîtrait quelqu’un, et s’il comprendrait leur langue. Dès que ce vieillard fut entré il les regarda avec attention l’un après l’autre, mais n’en reconnut aucun ; et aucun d’eux ne put comprendre une seule des paroles ou un seul des signes qu’il leur adressait, à l’exception d’une des femmes.

Néanmoins ce fut assez pour le but qu’on se proposait, c’est-à-dire pour les assurer que les gens entre les mains desquels ils étaient tombés étaient des Chrétiens, auxquels l’action de manger des hommes et des femmes faisait horreur, et qu’ils pouvaient être certains qu’on ne les tuerait pas. Aussitôt qu’ils eurent l’assurance de cela, ils firent éclater une telle joie, et par des manifestations si grotesques et si diverses, qu’il serait difficile de la décrire : il paraît qu’ils appartenaient à des nations différentes.

On chargea ensuite la femme qui servait d’interprète de leur demander s’ils consentaient à être les serviteurs des hommes qui les avaient emmenés dans le but de leur sauver la vie, et à travailler pour eux. À cette question ils se mirent touts à danser ; et aussitôt l’un prit une chose, l’autre une autre, enfin tout ce qui se trouvait sous leurs mains, et le plaçaient sur leurs épaules, pour faire connaître par là qu’ils étaient très-disposés à travailler.

Le gouverneur, qui prévit que la présence de ces femmes parmi eux ne tarderait pas à avoir des inconvénients, et pourrait occasionner quelques querelles et peut-être des querelles de sang, demanda aux trois Anglais comment ils entendaient traiter leurs prisonnières, et s’ils se proposaient d’en faire leurs servantes ou leurs femmes ? L’un d’eux répondit brusquement et hardiment, qu’ils en feraient l’un et l’autre. À quoi le gouverneur répliqua : — « Mon intention n’est pas de vous en empêcher ; vous êtes maîtres à cet égard. Mais je pense qu’il est juste, afin d’éviter parmi vous les désordres et